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Actu Radicale
29 novembre 2006

Loi de finances pour 2007

Yvon Collin, sénateur PRG est intervenu dans la discussion du projet de Loi de finances pour 2007 au Sénat le 23 novembre.
http://www.senat.fr/seances/s200611/s20061123/st20061123000.html

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

 

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, dans une économie mondialisée, les capacités d'impulsion économique des États sont de plus en plus réduites.

Pour autant, notre stratégie budgétaire demeure fondamentale puisque ses orientations peuvent amplifier la croissance ou, au contraire, la ralentir. On peut d'ailleurs le constater en observant les rythmes de croissance aux États-Unis et dans la zone euro entre 2000 et 2005. À la suite de l'éclatement de la « bulle Internet », les États-Unis ont connu un net ralentissement en 2001 et en 2002 pour, ensuite, retrouver une croissance soutenue de 3 % durant ces dernières années.

Au même moment, la zone euro, qui avait une croissance supérieure à celle des États-Unis en 2000, a peiné jusqu'en 2005, avec une croissance faible, située autour de 1,3 %.

L'Observatoire français des conjonctures économiques, l'OFCE, considère que l'orientation des politiques budgétaires explique plus de la moitié de l'écart de croissance annuel moyen entre les deux continents.

Fort de ce constat, qui est d'ailleurs mis en évidence dans le dernier rapport du président de la délégation pour la planification, notre excellent collègue Joël Bourdin, il est utile de s'interroger sur la pertinence de la politique budgétaire française actuelle, ainsi que sur le problème de l'absence de politiques coopératives au sein de la zone euro.

S'agissant, tout d'abord, de notre pays puisqu'il est avant tout question de cela, je considère, monsieur le ministre délégué, que vos choix ne sont pas suffisamment volontaristes pour permettre d'obtenir un décollement de la croissance française qui ne soit pas seulement la résultante de la croissance des autres pays.

Conformément à la ligne tracée depuis quatre ans, vous avez fait le choix de l'orthodoxie budgétaire, celle qui est prônée par Bruxelles et la Banque centrale européenne : une stratégie monétariste, fondée sur des objectifs comptables, qui n'a rien d'une politique ambitieuse et créatrice de richesses.

L'objectif de maîtrise de la dette publique est, certes, louable. Mais il est important d'en déterminer le bon niveau afin de ne pas oblitérer notre potentiel de croissance. Le voeu de zéro déficit en 2040 peut être exaucé, sous réserve que la croissance atteigne 3 %.

Or, la politique que vous avez décidée coûte 0,7 point de croissance annuel. En effet, vous réduisez des dépenses publiques, qui sont pourtant un levier de la croissance par leurs effets sur le pouvoir d'achat, sans que soient créées, parallèlement, les conditions d'une « désépargne » privée.

La rigueur budgétaire impose de comprimer les dépenses publiques, alors que l'augmentation des taux d'intérêt programmée par la BCE risque aussi de tasser les dépenses des ménages et des entreprises. Alors, c'est vrai, on peut toujours bâtir un budget en dehors des problématiques macro-économiques : on débudgétise, on crée des agences, on institue de nouvelles mesures fiscales, on en supprime d'autres. On agite des chiffons rouges, tel le rapport Pébereau, pour justifier la sacro-sainte orthodoxie budgétaire, mais cela a surtout pour effet de plomber le moral des ménages et des entreprises.

 

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut faire du déficit pour leur faire plaisir !

 

M. Yvon Collin. On fixe une norme comptable, un taux d'endettement inférieur à 60 % du PIB. On ne peut, certes, pas être contre cet objectif, mais il faut être certain de notre capacité de pouvoir le traduire sans effet boomerang sur la croissance.

 

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Alors, que faut-il faire ?

 

M. Yvon Collin. Dans le contexte actuel, celui de politiques divergentes au sein de la zone euro, il y a fort à parier que chacun des États membres ne retire pas les bénéfices de sa stratégie individuelle et qu'en outre l'absence de coordination conduise à la déflation.

 

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela, c'est très juste !

 

M. Yvon Collin. Comme je l'ai déjà dit ici l'an dernier, au risque de me répéter, il est essentiel de sortir d'une approche exclusivement franco-française de la politique économique.

 

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Très bien !

 

M. Yvon Collin. Tous les pays européens ont à régler la même équation : stopper la dérive des finances publiques sans casser la croissance. Il est tout à fait illusoire d'espérer atteindre cet objectif tant qu'une impulsion ne sera pas donnée au niveau européen. Aujourd'hui, en effet, quand, l'Allemagne, par exemple, pratique une politique de désinflation compétitive, elle s'emploie finalement à prendre une part de croissance à ses partenaires. Or, ces derniers ne pourront pas accepter une dégradation continue de leur solde commercial, et on les comprend ! Et, si chacun réagit isolément, c'est l'ensemble de la zone euro qui, manifestement, en souffre.

 

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est l'euro qui en souffre !

 

M. Yvon Collin. L'euro aussi, en effet !

Compte tenu du degré d'interdépendance des économies européennes, il est nécessaire, monsieur le ministre délégué, d'harmoniser les politiques budgétaires.

Il est temps de dépasser les stratégies individuelles et de parvenir à une véritable coordination des politiques économiques en Europe afin de donner à celle-ci les moyens d'atteindre son véritable potentiel de croissance.

 

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Très bien !

 

M. Yvon Collin. En attendant, puisque nous ne sommes pas dans cette logique, je m'attarderai sur le résultat de la stratégie individuelle menée par la France.

Puisque vous avez choisi l'orthodoxie budgétaire à tout prix, permettez-moi de dire, monsieur le ministre, que je ne partage pas les options que vous avez retenues dans ce cadre.

Au regard des indicateurs économiques, vous affichez un bel optimiste que, très sincèrement, j'aimerais partager. Mais, des chiffres à la réalité, qu'en est-il vraiment ? Quelle est, au quotidien, la traduction de votre politique ?

Nos concitoyens connaissent toujours autant de problèmes d'emploi et de logement. Les ménages les plus modestes subissent de fortes hausses des prélèvements, tandis que 1 % des foyers les plus aisés vont profiter d'un cadeau fiscal de 4 milliards d'euros lié à la refonte du barème de l'impôt. En 2005, on a compté 10 000 Rmistes de plus.

La liste est longue des maux dont souffre notre société. La précarité gagne du terrain et, il faut bien le dire, ce sont encore une fois les mêmes qui vont faire les frais d'une politique qui, sous le masque de la vertu budgétaire, ne prend pas, hélas ! le chemin d'une richesse partagée.

Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le ministre, je ne voterai pas le projet de loi de finances qui nous est soumis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

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